Le comité de crise est de retour

Article Journal du Jura du 29.09.2022 https://ajour.ch/story/le-comit-de-crise-est-de-retour/30641

Le collectif «Bienne pour tous» sort d’un profond sommeil de six ans. Comme en 2016, il entend empêcher que l’on économise sur le dos de la culture et fait appel à la solidarité de tous.

Que le comité «Bienne pour tous» se soit réuni mardi soir précisément dans la villa Ritter ne doit rien au hasard. Il entend, en effet, fourbir ses armes contre «Substance 2030», le paquet de mesures d’économies concocté par la Ville. Si le budget soumis par le Conseil municipal passait la rampe du Législatif, le centre de jeunesse sis au Faubourg du Jura pourrait subir des restrictions de subventions. Et la villa Ritter n’est de loin pas la seule institution culturelle menacée.

Une vingtaine de personnes plus ou moins directement concernées par ces mesures d’économies se sont donc retrouvées pour une «séance publique», où il s’agissait avant tout d’afficher sa détermination et sa solidarité. Anna Tanner, conseillère de ville socialiste, Urs Scheuss, son collègue des Verts, et Cyrill Hofer de Pro Senectute, sont à la tête de ce comité composé de tous ceux «qui font de Bienne ce qu’elle est, à savoir une ville créative, écologique et solidaire».
De la ludothèque à l’Union syndicale, et de l’association de quartier Möösli au Centre Pasquart, une multitude d’acteurs culturels se sont réunis pour sortir ce comité d’un long sommeil de six ans. On se souvient que, fin 2015, sous la pression du mouvement «Bienne pour tous», la Ville avait dû renoncer à des coupes massives dans le domaine de la culture, revoir son budget, en adopter un autre d’urgence et, finalement, présenter au peuple une mouture plus généreuse. Vu son succès à l’époque, ce comité de crise opère donc son grand retour.

La révolte gronde

Les divers acteurs de la vie culturelle biennoise sont prêts à se battre. Le comédien indépendant, Antoine Zivelonghi, est menacé de voir sa subvention diminuer de moitié. Quelles actions est-il prêt à mener pour montrer à la population qu’il faut s’opposer à ces réductions ? «L’heure n’est plus aux manifestations d’opérette. Nous sommes ici pour soutenir des gens qui vont perdre leur emploi», répond-il, la rage au ventre.

«Oui, il y aura des manifestations: nous allons faire du bruit et ébranler les politiciens qui sont au pouvoir», poursuit, sur le même ton, Johnny Rumpf, de l’Union des Travailleurs libres, un syndicat de base. Même son de cloche chez Kathrin Rérat, présidente de la ludothèque, qui précise tout de même: «Je suis d’accord pour manifester, mais de manière correcte et honnête. Sinon, on ne m’y verra pas.»

Une date a d’ores et déjà été arrêtée pour la manifestation: le 19 octobre, sur la place du Rosius. C’est ce jour-là que le Conseil de ville statuera sur la proposition du Conseil municipal et décidera quel budget il entend soumettre au peuple le 27 novembre. En cas de refus dans les urnes, Bienne serait appelée à démarrer l’année 2023 avec un budget d’urgence, avant qu’un nouveau budget soit soumis au corps électoral. Comme en 2016.

«Ce n’est pas une solution»

A la réunion publique de mardi soir, l’impression prévalait que les acteurs biennois de la culture n’étaient guère disposés à faire des compromis. En constituant cette alliance, ils empêchent les autorités de semer la discorde entre eux et de les dresser les uns contre les autres.

C’est ce qui explique la présence au sein du collectif non seulement d’institutions directement menacées par les restrictions budgétaires, mais aussi de celles qui en sont épargnées à l’heure actuelle, notamment le Nouveau Musée Bienne dont la directrice, Bernadette Walter, présente mardi soir, s’est montrée catégorique: «En 2016, nous étions aussi concernés par les mesures. Nous faisions partie du collectif ‹Bienne pour tous› et nous avons profité de cet immense élan de solidarité. Aujourd’hui, nous souhaitons poursuivre cet élan.»

Urs Scheuss n’a pas l’intention de spéculer sur un refus du budget par le peuple. «Fonctionner sans budget n’est pas une solution. La Ville ne pourrait alors dépenser que le strict nécessaire», explique-t-il. Martin Siegenthaler, responsable du nettoyage des rues au sein de la voirie, a connu cette situation il y a six ans. «Ce n’est pas drôle de travailler dans ces conditions, quand il faut effectuer une demande écrite dûment motivée pour l’achat d’un simple balai», raconte-t-il.

Anna Tanner ne souhaite pas non plus revivre le scénario d’un budget d’urgence. Elle se dit prête à certains compromis. Mais le collectif est unanime: pas question d’économiser sur le dos des acteurs de la culture, du domaine social et des employés de la ville.